Rhonéo de Labacz
[Edgar Moniz]
Avertissement : les mots entourés de « [ ] » seront supprimés ou modifiés dans une prochaine édition.
#Abel836
Rapportsymbol : « Vous êtes seuls devant vos écrans, das vraie-vie vous déprime, vous ne savez plus quoi faire ? Vous allez régulièrement à la salle de sports, où vous avez fait des scores dépassant les 6000 points, votre QI et vos yeux bleus vous font vous sentir différent dès que vous franchissez le seuil de votre appartement ? Nous avons la solution : vendez votre sperme, vous pourrez gagner un voyage pour les Grands Lacs Américains ! Vous y découvrirez les Musées Nationaux, une visite guidée de l’ancien Chicago par #George Clooney & #Shannon Doherty ! Et bien d’autres choses encore! »
J’ai réfléchi et je me suis dit que c’était peut-être le seul moyen d’aller à Kenosha. Sauf que je n’ai pas les yeux bleus, que je ne pratique pas les jeux sportifs et que mon QI ne doit pas dépasser la Moreless. Donc, je n’ai aucune chance. Mon nom? Ha, c’est #Abel836 : Je suis né de géniteurs inconnus dans un monde où tout le monde veut l’être, connu. Je suis d’une génération spontanée qui doit son existence/danger à sa grande capacité d’adaptation, autrement dit à [l’hypocrisie], au [mensonge], aux petits coups [sournois]. Je survis grâce à une forme de lacune du code pénal qui n’a été repérée jusqu’à présent que par ceux qui en profitent. Je vends une forme de [drogue], encore légale pour quelques temps, assez cher, et quand tout rentrera dans l'[ordre] je n’aurai plus qu’à me [tuer] si je n’ai pas économisé assez d’argent pour faire un grand voyage. Je ne suis peut-être pas si [sournois] que cela.
« Abel836 vous avez un message de John Gauguin. » Me dit la voix.
Je cligne : « Abel836 rendez-vous place du Champ de Mars à 15 heures. Connecte-toi en visuel il y a un client qui veut se faire un imagsymbol. Active tes pare-feux. Bye. »
Je me lève, je me rase, je prends un bain – en fait de bain, vu la rareté de l’eau, pour le corps on utilise les ultra-sons pour décoller la crasse. Le savon c’est pour les riches, évidemment. C’est juste au XXe siècle que ça a été différent. Avant, après, on revient aux fondamentaux.
Je sors. Il fait beau. Il fait très chaud. J’ai mis un pantalon de flanelle imprimé et une chemise hawaïenne trouvée chez un fripier. Je trouve ça très esthétique le retour des dirigeables avec des écrans géants. On est en plein revival des années 2000, en ce moment.
Je me pointe au rendez-vous et refile la dose au type. C’est un brave type en costard, qui sortait d’un cabinet d’avocats. Il voulait rejouer la Horde sauvage, dans le rôle de Robert Ryan. Je lui dis qu’on lui avait préparé la version longue. Il devait se l’injecter avant de dormir pour que le réel ne vienne pas troubler le imagsymbol. A deux cents euros la dose, il ne vaut mieux pas que le vraie-vie intervienne.
J’ai le reste de la journée de libre. J’en profite pour poster des C.V. Je laisse des mails dans des entreprises de publicité et dans des boîtes de jeux vidéos. Il n’y a que ça qui m’intéresse, la pub et les jeux vidéos.
Les gens se ressemblent tous. J’ai l’impression que je ne serai jamais personne. Ce boulot qui me rapporte un peu d’argent, c’est vraiment la merde. Je vois tout un tas de gens qui rêvent d’être dans un imagsymbol, d’être un imagsymbol, de tout contrôler, de se voir tous puissants, et moi qui rêve avec mes propres rêves, éveillé, je veux la même chose qu’eux, je ne vaux pas mieux qu’eux. Alors qu’est-ce qui me faire croire que je suis supérieur ? Si seulement je pouvais me laver de tout ça, et devenir un ange, pour aller où je veux.
Rapportsymbol : « Cessez de vous demander si la viande de votre supermarché n’est pas bourrée de médicaments et qu’elle provient d’un véritable animal! Achetez l’imprimante Astor, la seule imprimante qui rend vos steaks saignants, à point, ou bien cuits selon vos
envies! Impression rapide garantie !»
J’ai dans la tête les images de mes parents adoptifs, Simon et Dorothée. Cons, mais gentils. D’autres images sur une moto volée à rouler à contre-sens ivre sur le périphérique, avec un pote. Je me vois le faire. Comme si dans l’action je sortais de mon corps pour être encore et encore un spectateur. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de ma putain de +mortvie+, maintenant? Je n’ai pas fait les bons choix, je suis resté insouciant trop longtemps. J’ai fermé les yeux au moment où il fallait lire les panneaux, j’ai roulé jusqu’à ce que l’énergie me manque, jusqu’à épuisement. Mais la route était longue, plus longue que je ne pensais.
Rapportsymbol : « Avec Revitalisant 3000, retrouvez la peau de votre jeunesse. Une seule application vous assure six semaines de jeunesse, et sans truquer, grâce aux recherches effectuées par nos laboratoires. »
Conneries tout ça. Pourquoi fais-je partie de cette catégorie de personnes pour qui dire la vérité c’est se trahir ? De quoi aurait-on peur pour tenter de se cacher éternellement dans des gasconnades ou des imaginaires fourchus ?
Je vais être honnête, ça me changera. Tout ça c’est à cause d’Earline. Earline est la fille naturelle d’un consul +mortvie dans la rue. On avait retrouvé chez lui des vidéos du type même que je fourgue, mais qui contenaient à la place de Westerns ou d’imagsymbols noirs des orgies sataniques réalisées par Dario Argento. Une commande d’un Cardinal +mortvie depuis très longtemps, d’une belle +mortvie puisque dans son lit. Lorsque le scandale s’est su, son discrédit fut si grand qu’il a disparu. Une condamnation par contumace. Deux années plus tard un invaporteur trouva +mortvie un clodo dont il faisait don de quelques pièces à la sortie de la boulangerie, et en le fouillant (ah, ces invaporteurs!) il trouva un document prouvant son identité. Pourquoi se cachait-il ? Peut- être justement à cause de sa fille naturelle, la seule qu’il eût aimé. Je ne me suis pas renseigné plus sur lui. Le regard d’Earline me suffit pour comprendre pourquoi cacher à des yeux innocents la raclure que l’on peut être. Cela s’appelle séduire. Et c’est exactement ce que je faisais. Mais je manquais d’argent. Comment lui dire que je n’étais pas un de ces Idcad qui déclament : « J’ai une start-up à Bucarest et je fais des applis pour les I phones. » Que je ne vivais que d’idées – noires bien souvent, et alors ?
Donc, j’ai laissé mon quatrième étage dans une ville de province et je suis venu à Paris.
Manque un chapitre
Comme j’aime boire, j’ai fréquenté les bars du XXe. Jusqu’à ce que qu’un type me parle. Il était bourré, bien sûr.
« Tu connais #Guy Debord? me demanda-t-il.
– Rien à foutre de #Debord.
– Je suis bien d’accord. Mon nom est Raphaël. Je suis éditeur.
– Oh, putain, vous êtes #Raphaël Abetzstein ?
– Ouais.
– Vous avez édité les plus grands auteurs. Vous êtes génial.
– Je lance une NEW collection. Les invertistes. Ça va cartonner. Je vais publier … un auteur à succès. Un nouveau… Nous allons inonder le Net avec ça.
– J’amohaïrais vous offrir un verre mais… »
C’est lui qui m’a payé le verre, et bien d’autres. C’est lui qui m’a parlé le premier de la Souterraine. De #Vinneuil et de #Ferrand. Je suis sûr maintenant qu’il faisait le rabatteur pour ces deux enflures. Je dis « enflures », mais les deux avaient beaucoup de talent, dans l’invective. Ils étaient très doués pour les discours incendiaires dont j’avais besoin pour supporter ma situation. Ils canalisaient cette rage que j’avais en moi, ils en faisaient quelque chose alors que moi je me contentais de la laisser me ronger. Deux leaders. #Vinneuil avait fait de la Lib-Pris à cause de son soutien passive/agressive imagsymbol. C’est en prison qu’il commença à correspondre avec #Ferrand, qui lui, était intrinsèquement un faiseur. C’est lui qui a bâti La Souterraine. Lorsque #Vinneuil a rappliqué, après la prison, ça a été épique. Je n’étais pas là, encore, et même, sans doute je n’étais pas né lorsque cet empire a subi la confrontation de ces deux personnalités. Lorsque A… m’a parlé d’un moyen de se faire de l’argent rapidement, j’ai évidemment sauté sur l’occasion. Je pensais restaurant, autorisation de sortie nocturne, gants à offrir, de beaux gants, pour Earline.
Elle gagnait beaucoup d’argent, en temps que maquettiste pour un site de mode. Les gants étaient la seule chose abordable de son magazine. Ça et les fleurs en plastique. «Chartreuse 2.0 : un produit millénaire rassemblant les bienfaits de plus de cent trente
plantes cultivées hors sol par les Frères. Sa couleur invite à la réflexion. LA seule ! questrép est : aurez-vous le courage d’en boire ? L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, respectez la notice. »
La souterraine
Qu’est-ce donc que La Souterraine ? François Vinneuil, fils d’un notable de province, a créé cette entité qui regroupe les souterrains de Chaillot, base rebelle, et une société de production de imagsymbols et de jeux vidéos. Ces deux disciplines ont fusionné avec le temps, comme il était prévu. On fait la part belle à Warren Spector qui citait Le Nommé Jeudi dans son jeu Deus Ex, mélangeant ainsi réflexions métaphysiques de Chesterton à un jeu d’action avant-gardiste, mais la vraie révolution est venue du cinéma Indien. Les séquences dansantes se sont appliquées à des jeux vidéos et un jour un concepteur a intégré dans le DVD du imagsymbol le jeu lui-même. Ce fut la folie. Qui l’eût cru ? Les américains, quant à eux, avaient délaissé le cinéma, eux qui en étaient les véritables maîtres, pour se lancer entièrement dans le voyage spatial. Ils avaient conquis Mars. De nouveaux pionniers s’engagèrent à coloniser cette planète. Le vingt-et-unième siècle a cristallisé l’ensemble des utopies scientifiques futuristes et la révolution qui s’est accomplie s’est faite en toile de fond de conflits mondiaux pour les ressources naturelles et de l’ennui provoqué par le modèle de civilisation choisi à la fin de la seconde guerre mondiale.
Grâce à une découverte récente, François Vinneuil rachetait des imagsymbols anciens et les convertissait en un liquide compatible avec le sang, bourré de nanotechnologies, et qui influait directement sur la perception visuelle. La salle obscure de projection se trouvait derrière le front. Une séance privée, à usage unique.
Dans les sous-terrains de Chaillot sont menées des expériences extra-sensorielles pour perfectionner ce «imagsymbol liquide». Des cobayes humains, volontaires SDF, étudiants en cinéma, partisans de «l’homme nouveau», modifié génétiquement, attendent peut-être tous d’être transformés en quelque chose d’autre, de supérieur. Mais bien souvent c’est l’hémiplégie ou le délire paranoïaque qui les transforme.
L’homme nouveau, c’est selon François Vinneuil, le nouvel avenir de l’humanité. Il a sponsorisé un écrivain à la mode mais controversé, Boris Goerdec, qui semble diriger
une revue.
La nom de la revue : PO SE DE. Diffusée sous le nom : Possédée. C’est une revue dite de contre-culture attaquant sur tous les fronts, politique, socio-culturel, économique, alliant, donc, cela je le sus dans ce bar où je rencontrai Raphaël Abtzstein, le nouveau mouvement des Invertistes.
Les invertistes se basent sur la théorie marxiste selon laquelle la Bourgeoisie inverse le réel, de manière à justifier la mainmise sur la société.
Je disais « semble diriger » car cet être ne semble pas bien capable de diriger quoique ce soit. Cet écrivain dont l’aura sulfureuse masque de sombres folies (il n’y a qu’à feuilleter ses livres) est en réalité un de ces homuncules utilisés à leur insu pour promouvoir des idées dont ils n’ont qu’une vague connaissance : sans être crétins, ils se satisfont de choquer et de vendre, qui est la première, pour ne pas dire la seule, de leur préoccupation. Lorsqu’un de ces personnages a le malheur de vouloir jouer son propre rôle jusqu’au bout sans demander une autorisation au préalable, il se voit abandonné comme un animal de compagnie aux premiers signes de soleil. La comparaison n’est pas très heureuse, mais leur avenir ne l’est pas plus. Pourquoi s’attarder sur un écrivain qui a gâché ses possibilités en voulant être autre que ce qu’il est ? Ces médiocres pensent toujours que des ailes vont leur pousser s’ils se feront extrêmes ; quand, pour justifier leur existence, ils s’en prennent à celle des autres. L’ânerie touche tous les milieux : elle est, à son corps défendant, démocratique.
Mais revenons-en à La Souterraine, car je ne suis pas certain de vous avoir fait saisir son implication dans ma +mortvievie+ et dans l’intrigue. Si seulement à l’évocation d’un mot vous sachiez à quoi vous en tenir, il me serait inutile de disserter là-dessus. Ni poésie, ni propagande, le roman, le récit, s’explique, se discute, se contredit, avec cette liberté de parole qui n’est possible qu’entre gens de bonne volonté. François Vinneuil avait écrit une Histoire de l’Imagsymbol en deux volumes, et critiquait toutes les sorties d’imagsymbol et de raportsymbol. Sa critique était féroce. François Ferrand, de son côté, critiquait lui aussi tout cela et il était bien naturel que ces deux individus se rencontrent. Le directeur de l’imagsymbolothèque de l’époque, avant qu’elle ne devienne une entité à part entière de l’Euroopsoft-Santo, donc un organe officiel, les fit se présenter.
Suite à écrire.
Ne pas être dupe
Le type en costard, l’avocat qui voulait être Robert Ryan dans la Horde Sauvage, me posa beaucoup de !questréps. Il était à la fois nerveux, parce qu’il n’avait pas l’habitude d’acheter des trucs sous le manteau, et en même temps, sa froideur d’avocat le rassurait car comme je l’ai dit, la législation en vigueur choilib pas encore une telle substance. Que voulait-il savoir ? Les effets généraux et particuliers de cette dose « Peckimpah ». Un sentiment de puissance, tout d’abord, dans la scène sur le toit, l’impression d’être sur le point de mettre sa +mortvievie+ en jeu sans pour autant douter de sa réussite. On ne voit pas les caméras, un montage est effectué pour que la vision coïncide avec les différents plans du imagsymbol. Dans le détail, rien n’est parfait. En soit, ce n’était pas la Horde Sauvage. C’était un succédané de western, de sang, de tirs, de beuverie, mais le sentiment d’être un homme, contre la mièvrerie quotidienne, provoquait un intense pansement hormonal contre les vicissitudes.
Je lui dis cela, sans y croire. Il y crût.
De voir un jeune homme qui aurait pu être mon frère rasséréné par des mensonges aussi plats, a fait de moi pendant une centaine de mètres, l’homme le plus puissant et le plus misérable de la terre. C’est certainement cela, ne pas être dupe.
Earline
Sur les deux cents euros que je touchai pour le imagsymbol de Peckimpah, j’en reversai cent-soixante dix à John Gauguin. Trente euros, c’était à peine suffisant pour inviter Earline à prendre un verre. Nous allâmes dans un bar du XIe qui appliquait le Happy Hour.
Cet argent de poche que je touchai, j’aurais pu le mettre de côté, l’investir en somme, pour me préparer un futur radieux. Je n’entrevoyais pas de futur radieux sans Earline. J’avais encore des manières de provincial, c’est pourquoi le barman me fit un sourire moqueur après ma commande.
Earline portait un châle très ample qui lui recouvrait les épaules. De longs cheveux châtains, volontairement en bataille, peinaient à cacher son air noble. La côtoyer c’était côtoyer le monde. L’univers. Les palpitations que me procurait sa peau douce rajeunissait
instantanément mon cœur, bien que je ne fusse pas vieux. C’était plutôt qu’ils lui accordaient des minutes d’éternité.
Je bus de la bière et elle une vodka. Comme à chaque fois que je lui donnais rendez-vous, elle venait mais semblait n’être là qu’à contre-cœur. Je n’arrivai pas à la cerner. Elle était très aimable et très distante, elle se savait courtisée et paraissait accorder à chacun de ses prétendants un temps bien défini. Mais bien loin de toute supériorité, de tout mépris, de tout amusement au dépens du prétendant. Au bout de quelques minutes, elle prenait cet air joyeux qu’ont les filles qui se sentent aimées, admirées. Elle plaisantait sur tous sujets avec ironie, avec tendresse. Tout ceci me paraissait parfois mesuré, réfléchi. S’imaginait- elle notre rencontre et les dialogues qui suivraient, cherchait-elle un bon mot pour me faire sourire, pour gratter plus profondément dans ma personnalité, pour me cerner à son tour ? Non, c’était moi qui faisais tout cela. Earline avait le bon goût de ne pas le faire. Aussi, par malheur, tout ce que je pouvais penser d’elle, tous les reproches que j’aurais pu lui faire, tout ce que le doute me faisait objecter, n’était qu’une réflexion qui se tournait vers moi. Bien entendu, je dis « reproches », mais ce ne sont pas des reproches. C’est autre chose. Une partie de moi ne voulait pas entièrement se rendre à elle et cherchait des moyens logiques pour m’en distraire.
Earline agissait en pleine conscience, tandis que moi, je me sentais obligé par pudeur ou par idiotie, de me masquer pour la voir. Quelle démarche absurde si l’on y pense : vouloir être aimé, plaire, séduire, tout en se protégeant. Je lui mentais sur mes origines, me déclarant juif-irlandais, d’où mon prénom Abel, ainsi que le nom dont je m’étais affublé : Melville. Alors, il y aurait là une perversion, je serai voyeur dans l’âme ? Voyons, est-ce une forme de voyeurisme ou d’égoïsme que de vouloir protéger de soi et de ses démons celle qui focalise nos désirs ? Il n’y a rien de plus clair à mes yeux : elle m’offre le désir d’un recommencement ; être autre chose que moi-même, être meilleur, me libérer de mon passé. (Voilà l’aveu ! Je vois en Earline une salvatrice !)
Mon attitude fit rire deux jeunes filles qui se tenaient près de nous. Mon attention fut perdue quelques instants, et tout l’effort que je faisais pour porter toujours mon masque également. Je vis qu’Earline me regardait soudain plus intensément, qu’une grande malice se reflétait dans ses yeux. Elle t’a donc vu, me dis-je, elle te tient. Earline, satisfaite de cette manche, me déclara qu’elle devait se rendre à l’autre bout de Paris pour
assister à un concert. Sans ma timidité, je lui aurai proposé de l’accompagner. Mais je ne dis rien, la saluai, me noyant dans son odeur, puis la regardai partir.
Suis-je vraiment si timide avec les femmes ? Est-ce réellement de la timidité ? N’es-ce pas plutôt que j’aime regarder ces femmes comme un félin aime voir s’ébattre sa future proie ? La vérité est sans doute dans ces deux termes contradictoires : ma timidité me fait prendre une « poker face » grâce à laquelle je peux voir, mais tout voir, chaque détail, chaque instant, et je savoure par avance, sans excès, ma possible victoire. L’excès vient après. Tout le problème est là, d’ailleurs. Je me crois capable de conquérir cette fille, et je m’en fais tout un imagsymbol.
Et dire qu’on s’injecte le cinéma en intraveineuse, qu’il y a des gens à ce point dénués de +mortvievie+ intérieure, d’imagination et de volonté qu’ils demandent à ce qu’on leur en implante une. Tout ça me la coupe, et en même temps je m’en fous. Que dire ?
Les jeunes filles continuèrent leur conversation en jetant un coup d’œil vers moi de temps en temps. L’une d’elles était plutôt bien faite, et riait de bon cœur. Mais je leur reprochais la perte de mon masque, de ma contenance. (Je n’aime pas ce mot).
Avec elles je savais que je n’avais pas à jouer. Elles ne ressemblaient pas à Earline. Elles ne venaient pas de ce monde étrange que j’approchais grâce à Earline, où tout est combat, cet esprit parisien frivole que se délecte de la joute et de la délation. Je ne souhaitais pas être ce cet esprit parisien, je voulais le dépasser et me montrer supérieur. Tout en finissant ma bière, j’en commandai une autre, pesant intérieurement, me faisant une nouv++ romance avec ces deux jeunes filles, au lieu d’aller chez moi seul pour rêver à celle qui pouvait être ma dernière.
Escapade
A la quatrième bière, je ruminais mon échec. Allons, me disais-je, tu as perdu une bataille, tu n’as pas perdu la guerre. Et comme je mimais sans le vouloir l’attitude d’un général, cela fit à nouveau rire les deux jeunes filles.
Décidément c’en était trop : je pris mon verre et allai m’installer à leur table.
« Je vois bien que depuis tout à l’heure vous n’arrêtez pas de vous moquer de moi. Allons : dites moi ce qui vous fait rire.
– D’où tu viens pour avoir ces manières ? Es-tu un acteur ?
– Oui, parfaitement, mentis-je.
– C’est formidable, alors.
– Pourquoi cela ?
– Nous n’avons encore jamais couché avec un acteur! »
L’autre fille n’était pas mal non plus, à bien y regarder. Une nouv++ romance s’offrait à
moi ; une sorte d’auto-imagsymbol que j’aurais plaisir à me remémorer. Je me vis moi- même demander le détail de ce que les filles comptaient faire sur moi, et sans rougir, leur montrer mon érection en signe d’assentiment.
Rodomont
Ah, qu’il est bon d’être soi lorsque rien ne pèse ! Durant plusieurs jours je regardais passer les gens avec une prodigieuse indifférence. Je me savais vivant. Je me permettais des cafés en terrasse, au soleil. Les rapportsymbol scandés dans les rues, les écrans tactiles, les bruits de la rue : tout cela venait alors d’un autre siècle. J’étais hors du temps, je n’avais plus besoin de lui. La +mortvie+ ! Tout avait alors de la saveur. Quel orgueil d’être en +mortvie+ dans ce monde.
Un carnassier
Un message de John Gauguin. Une livraison. Gauguin me fut présenté par Raphaël Abetzstein. Un égocentrique pur et dur. Il ne prenait aucun plaisir à commander aux autres, comme il se doit. Il agissait vite pour se débarrasser et s’occuper de lui-même. Je savais qu’il passait beaucoup de temps à écouter de la musique. Il tenait le poste de secrétaire particulier de François Ferrand, et encore une fois il s’acquittait de sa tâche professionnellement. Il avait un regard bleu, et s’il avait un bon Q.I., une chance supérieure à la moyenne, et qu’il se branlait régulièrement dans des tubes, il aurait pu très bien aller visiter les grands espaces libres des États-Unis. Tout le Nord du pays était classé Parc International. Grâce à la Pythie Universelle [Internet] je savais que les États- Unis avaient été le premier pays à classer une zone géographique « parc national » et y choilibre l’exploitation des richesses naturelles. L’épicentre du parc international était Yellowstone, dans le sud ouest du Montana.
John Gauguin n’en avait probablement rien à foutre de visiter cet espace. Il préférait s’acheter les dernières trouvailles de l’industrie de l’homme nouveau pour se perfectionner. Ah, je les voyais gros comme des maisons, les cancers. Tant pis pour leur gueule, qu’ils crèvent. Tiens, voilà ce que doit exactement penser ce Gauguin.
Rudolf Köhler
Ce Rudolf je n’ai pas voulu le rencontrer, seulement il voulait un imagsymbol. C’était un fan de Mel Gibson devant l’éternel, et il voulait tout voir. Alors je suis allé à la Souterraine et j’ai demandé un rendez-vous avec un des archivistes, qui m’a refilé un étrange imagsymbol : The singing detective, de Keith Gordon. Je l’ai visionné directement, avant que les chimistes ne transforment le imagsymbol en liquide. Ça m’a fait penser, en cherchant bien, à un imagsymbol avec Belmondo. C’est un drôle de nom Belmondo. Je devrais peut-être m’appeler comme ça. La poisse n’oserait pas poursuivre un gars avec un nom pareil. Est-ce que je me trompe ? Franchement, je n’en suis plus là. Où en suis- je, d’ailleurs ? Je suis dans le fin fond des entrailles de Chaillot, dans un laboratoire très perfectionné, avec des chinois, etc. Les Chinois, je me demande s’ils ne sont pas là pour rendre le côté sérieux de l’affaire. Lorsque l’un d’eux jette un œil sur le réel, il semble dire : « cette hirondelle qui passe, elle est dans mon esprit, je peux calculer comment mon cerveau produit cette vision. » Il n’y a pas de secrets, tout est dans la formule.
Je m’égare. Rudolf, fan de Mel Gibson. Veut une injection de Singing detective, rôle de R. Downey Jr, pour pouvoir être psychanalysé par Mel Gibson. O.K. Pas de problèmes. Je livre ça. C’est mon boulot. Je me rends donc chez ce Kohler. Et sur qui je tombe, chez lui, en train de se faire sucer par une pétasse virtuelle ? Raphaël Abetzstein, himself. Il ne me reconnaît pas. Après tout, ce n’était que son hologramme dans le bar l’autre soir. Il devait probablement chercher la femme, tout en terminant une réunion éditoriale. Toujours soucieux de vous faire sentir que vous n’êtes qu’une sous-merde, Kohler m’invita à partager un alcool fort. Je me tenais debout, dans un salon creusé, comme une arène, entouré d’images et de personnes réelles, tandis que Kohler s’injectait son imagsymbol. Il prenait plaisir à ce qu’on le regarde se faire son imagsymbol. Kohler était l’agent d’un des hologrammes assis tout autour de cette arène : Boris Goerdec. La pustule virtuelle, l’avatar qu’il s’était choisi était le Messie en personne, selon l’image que
l’on trouve parfois encore dans les écriflux putassières des Témoins de Jéhovah. Un beau gosse musclé avec des yeux profonds et des cheveux longs, genre qui écoute de la folk autour du feu et qui finit toujours par se taper celle sur qui on avait des vues. J’extrapole, mais voilà Goerdec tel qu’il se montrait.
Était-ce l’alcool, ou bien l’image qu’il reflétait ? Chacun des imbéciles assis semblait goûter ses mots avec délectation. Non, rectification : une pointe de dégoût, de l’amusement envers un esprit aussi étrange, et enfin de la délectation. Ils retenaient des bribes de phrases en se les répétant et songeaient au mini-tsunami qu’ils allaient provoquer en soirée, tout en choilib de penser eux-même de la sorte, ils jubilaient en voyant des gens connus proférer des ignominies. Ils jubilaient de pouvoir se cacher derrière.
J’écoutais sagement. Earline n’aurait peut-être pas tenu le choc. Qui voyait-elle ? Où était cette fameuse défintel+ parisienne? Un mythe, certainement. Un mythe qui se revendique. Goerdec fit silence lorsque son agent commença à voir Mel Gibson. Il sortit sa bite et commença à s’astiquer devant tout le monde. Applaudissements. On me demanda quel était ce sortilège. Je répondis que j’étais le livreur. Pas un seul de ces invaporteurs ne me posa d’autres !questréps. Bon, le imagsymbol durait tout de même une heure quarante neuf. Une demi-heure c’était assez. Kohler resta à se branler dans son coin tandis que Raphaël A. lui aussi vidé par une Judy Garland pixelisée, habillée comme dans la dernière pub d’un parfum luxueux, proposa qu’on aille se resservir. Personne ne fit attention à moi, de sorte que je pus rester. Je faisais partie du paysage désormais. J’étais le type, le livreur, qui, parce que ces gens étaient paternalistes ou bien de la gauche Sade, considéraient qu’il fallait que j’assiste à leurs ébats pour réveiller mon in/convoit+. Comme ils se trompaient. Ah, ça, ils se trompaient.
Il fut !questrép au comptoir du nouveau numéro de la revue PO SE DE. Sur qui allait-on taper ? Il y avait certes des choses dans cette EuroopSoft-Santo qui n’allaient pas ? Pouvait-on toujours les imputer aux mêmes personnes. « Tant que vous ne dites rien sur les #juifs, je reste ». Cela fit rire tout le monde. Moi-même je souris. La blague venait de #Raphaël Abtezstein. Son ton sirupeux le rendait défintel+. On savait, lorsqu’il employait ce ton, qu’il n’était pas dupe. Se trahir, se souiller, c’était donc là le métier qu’il s’était choisi. Son air gras et cultivé cachait d’autres addictions que les rapportsymbol. A
quoi carburait-il pour tenir le coup ? A la gnôle, certainement. Car comment tenir le coup dans ce milieu sans crever ? A moins d’être normfaux ;(. Alors voilà le génadop/crégénadop de ma génération !
Merde, j’arrête.
Rapportsymbol & intimité
#Cola n’était pas un ami mais je le voyais parfois. Je voyais son avatar, une Penelope Cruz modifiée. Il travaillait dans les sous-terrains de Chaillot à surveiller les utilisateurs d’imagsymbol vendus. Les résidus d’imagsymbol restaient dans le sang et dans le cerveau et grâce à un spectromètre il pouvait les repérer, savoir ce qu’ils faisaient, où ils allaient acheter, les messages qu’ils envoyaient. Toutes ces données étaient stockées dans les serveurs privés de la Souterraine. Les eaux usées des égouts servaient de liquide de refroidissement. Pour #François Vinneuil, c’était un moyen de savoir à quoi ressemblerait l’#homme nouveau. L’indivisible masse, guidée par les rapportsymbol et les invaporteurs se rapporte de plus en plus à notre #homme nouveau, disait Vinneuil. Avec l’aide d’#Abetzstein et des invertistes, l’idée fondra sur la masse indivisible et nous atteindrons le changement espéré. EuroopSoft-Santo va se craqueler de l’intérieur par l’imagsymbol. La masse indivisible n’est qu’une chrysalide qui protège l’homme nouveau en attendant qu’il soit prêt à jaillir. Je pense à mon ancien ami #PDLR… Comme il aurait été heureux de voir que son #romantisme allait vaincre l’homme-consommateur.
Qui était #PDLR ? #PDLR, continuait Vinneuil, est un mortvol (suicidé) d’un autre temps, un penseur, un invaporteur de génie, créateur d’un imagsymbol-game nommé Récit Secret. Un MMORPG sans limite qui parut après sa +mortvie. PDLR mériterait un autre imagsymbol qu’avec #Malle, un #Minnelli par exemple.
Dans ce décor de laboratoire, #Cola et moi écoutions parler ce professeur. Je veux que vous, #Abel & #Cola, reprit-il, deveniez followers de #Ferrand et #Goerdec. A la trace. Jusque dans la vraie-vie. Goerdec est f for fake, soyez Osterman Week end, car nous sommes Osterman Week end. Quand il eut terminé, sa voix disparut de l’atmosphère. Je download O.W.E. Et retourne dans ma chambre pour le visionner, seul, sur un écran. [Je repense à John Hurt qui est ici le bourreau alors que dans 1984 il est la victime]. Le réalisateur met en scène l’imagsymbol dans l’imagsymbol, comme si le fait de contrôler l’utilisation de l’imagsymbol était un atout pour avoir du pouvoir. Je clignai car John
Gauguin me laissa un message durant mon visionnage : #Ferrand se rendait à une soirée hors de la Souterraine et je devais le suivre, #Cola avait transmis l’itinéraire et ajouté un nom sur la liste des invités me correspondant. Par vélo-taxi, crédité par #Cola via #Vinneuil, j’arrivai au 44, avenue de W*** et clignai à nouveau John Gauguin pour lui affirmer que j’étais réellement présent sur les lieux. Car dans cette soirée il n’y avait que des gens de la vraie-vie. #Ferrand ne se déplace dans ce genre de soirées que s’il peut y voir de belles femmes pour les faire tourner dans ses imagsymbol et baiser avec elles, me dit Gauguin. Il insista sur le mot baiser, il devait penser que je n’avais aucune relation avec les femmes, avec les filles. Avec les filles-vagin, je veux dire, pas avec les filles- phallus, qui ne m’attirent absolument pas : elles ressemblent à des avatars. Mais l’aventure avec les deux filles du bar où je m’étais trouvé l’autre soir, si vous vous en souvenez, avait remis les compteurs à zéro. Cela ne servait à rien d’aller voir John Gauguin et lui raconter cela, et d’ailleurs dans quel but ? Il me considérait comme non-humain, ce qui n’est pas entièrement faux puisque je n’ai pas de nombril, ayant été engrendré par bio-chimie. Mais j’avais un corps consommable dans la vraie vie donc j’existais néanmoins. Gauguin était incapable de s’attacher à autre chose qu’à lui-même. Il se défendait, peut-être, de la dispersion dont nous tous sommes l’objet.
Je pénétrai dans une antichambre où l’on me fouilla et où l’on brouilla mes connexions. Je me frayai un chemin parmi les gens de la vraie-vie, si nombreux que c’en était étouffant, et parvins jusqu’à l’épaule de Ferrand, sans prêter d’abord attention au décor de cet appartement qui ressemblait à des peintures anciennes ou des imagsymbol d’un temps passé. Les gens de la vraie vie étaient déguisés en habitants de ce monde passé. C’était ridicule et magnifique. Ferrand ne parut pas surpris de me voir, au contraire il avait l’air heureux. J’étais son distributeur favori, il avait vu dans mes yeux, qui pourtant n’étaient pas bleus (comme les siens, du reste) que si je me taisais j’avais toujours des choses à dire, que j’étais défintel +.
Dépasser la Moreless
Au milieu de cette foule/personne+ qui s’amusaient (have fun) Ferrand prenait un air triste. Mais il avait toujours cet air triste. Vinneuil prétendait (hoax?) que c’était un passage chez les Insane/sane dans un sanatorium qui l’avait rendu comme ça. Il ne savait
pas non plus qui étaient ses géniteurs, comme moi et c’est sans doute pour cela qu’il te parle.
Je n’aime rien tant que les filles-vagin, tu le sais, et qui aiment l’imagsymbol au point de vouloir en écrire un avec moi et de les faire avec moi, et de baiser avec moi. Ferrand utilisait le même ton que Gauguin pour dire baiser, et je me dis alors en back-up (mais sans back-up car je n’avais pas de connexion, pas de Cloud où stocker mon info/désinfo) que Gauguin n’était peut-être pas le fils de donneuse universelle qu’il prétendait être. La défintel parisienne, toujours avide de bons mots et de rapportsymbol sur les gens, était mécontente de Ferrand parce qu’il s’était adouci pour faire des imagsymbol. Il avait changé de programme, cela ne plaisait pas.
Je viens d’un endroit où les parisiens ne vont jamais, me dit-il comme pour me rassurer face à mes manières de province, toujours présentes, et exacerbées lorsqu’un foule/personne+ m’entourait. J’ai passé ma mortvie+ à m’élever au dessus de la moreless. S’élever au dessus de la Moreless, qu’est-ce que cela voulait dire ? Il était impossible de s’élever au dessus. Il n’y avait ni dessus ni dessous, du moins pour nous. Cette phrase laissa un étrange résidu dans ma pensée sans Cloud, et lorsqu’il me sembla la comprendre, bien plus tard, je ne pus lui attribuer d’autre nom que : Kenosha. Pourquoi l’Euroop-Soft-Santo a-t-elle d’abord mis la main sur l’imagsymbolothèque ? Transformé en imagsymbol et même en rapportsymbol l’ensemble qui la constitue ? Pourquoi des gens comme Peter Gland font-ils des imagsymbol destinés à promouvoir l’Euroop-Soft-Santo ? Ferrand me faisait tant de questréps qu’il m’était impossible de réfléchir à chacune d’elle sans les mêler toutes, pour en venir à la seule questrép que je ne voulais pas me poser. Parce que je voulais être tranquille-peinard. Il fallait être tranquille- peinard pour être reçu dans la défintel parisienne, celle que fréquentait Earline.
Les femmes-vagin sont magiques, me dit encore Ferrand. Vinneuil n’en sait rien, il se sait pas comment s’y prendre :
1°c’est pour cela qu’il ne fait pas d’imagsymbol
2°qu’il continue de critiquer
3°tout en posant avec des femmes-phallus ou des hommes-vagin.
Nous fumes interrompus par Neonaz, un groupe de Yog-Slam très en vogue. Il y avait beaucoup d’écriflux sur eux, beaucoup de rapportsymbol. On appelait même un
imagsymbol, du haut de l’Euroop-Soft-Santo.
Ferrand en profita pour s’installer à côté d’une fille-vagin qui avait affirmé l’être et qui portait un vêtement ne laissant aucun sous-entendu sur sa sexualité. C’était une actrice d’imagsymbol mais Ferrand ne l’avait jamais rencontrée auparavant. Il parla longuement avec elle, puis revint me voir : te souviens-tu que lorsque tu as commencé à travailler pour nous nous t’avons injecté deux imagsymbol ? Non ! Quel film ? Quand la ville dort… Tu étais Sterling Hayden. N’as tu pas des rêves de grands espaces, ne veux-tu pas t’enfuir ?
Quel était le deuxième ?
Les invertistes font leur apparition. Ils développent leurs applis. Puis, comme il n’y a pas de stupeur, l’un d’eux s’avance et déclame : « … Les personnes qui se sont faites injecter des films finissent par agir au bout d’un certain temps comme les personnages qu’ils ont vu… ». Ferrand quitte la pièce de [fureur]. Je le suis, récupère à la sortie mon Cloud et mes connexions. #Cola me signale une grande dispute entre #Ferrand & #Vinneuil. #Abel836, me dit Gauguin par I-Phone afin de pouvoir crier, l’avocat qui voulait la horde sauvage va tuer des gens sur son lieu de travail avec une sulfateuse, un invapporteur va se mettre à chanter sous la pluie…
L’injection d’imagsymbol ne concernait que des films des années cinéma 50-70, car
1° lorsqu’il y a un nouveau support on commence par rééditer les classiques
2° pour des raisons techniques, il n’est pas possible de créer des images avec effets spéciaux avancés.
Je jette un oeil sur la rue et ne vois aucune manifestation, aucune #contamination hollywood pour le moment.
L’#homme nouveau, rapportsymbol de Kölher & de Vinneuil, va faire renaître les #Utopies du Xxe siècle par l’imagsymbol. Chacun va pouvoir vivre sa mortvie selon ce qu’il a décidé, selon l’imagsymbol de son choilib. Que tous ceux qui ont reçu l’injection Imagsymbol se réveillent et commencent la #REVOLUTION
… mais alors, alors seulement, #Cola me parla d’Earline : La fille riche que tu fréquentes, M*** l’ai suivie. Veux-tu savoir où ?
Quoi ? Pensais-je, tout en essayant de garder mes réactions premières et mes pensées hors de moi pour ne rien laisser paraître, Earline avait utilisé un imagsymbol ? Elle s’était
injecté quelque chose ? Je la croyais au-dessus de tout cela! Je rentrai dans la Souterraine en courant. #Cola était dans son office, et avait brouillé ma vision de la vraie vie avec son avatar et son land-avatar.
Et comment savait-il ? D’un geste de la main je brouillai son avatar P. Cruz modifiée, Ctrl-Alt-Supprim son land-avatar et le saisis par la gorge. Sa peau était rugueuse. Il devait être malade. Je regrettai aussitôt de l’avoir touché et relâchai la pression de mes doigts. Osterman Week-end, souffla #Cola, elle a pris Osterman Week-end. Prépare une vengeance, injection Lawrence Fassett /John Hurt. Vengeance Père. Je follow depuis deux ans. Net, Spider. Fait sa toile. Toi tu es un insecte. Ha, ha, ha.
De [fureur], je l’étranglai. La +mortvie ne me paraissait pas aussi simple. Il y avait tout un mystère à cela et jamais plus on ne voyait des [cadavres]. C’est à dire que la mortvie était aussi la mortvie et que l’absence n’existait pas. Il y avait d’un côté l’inexistence et et de l’autre l’existence mais il n’y avait pas de mots assez forts pour décrire l’absence d’une personne provoquée par une autre personne dans la vraie-vie. Je cherchai un mot pour me soulager. Ce fut : Kenosha. Kenosha était un endroit existant/inexistant (mais je savais qu’il devait exister) et créer cette absence de Cola (inutile d’ajouter # ?) me le faisait déplacer vers Kenosha, cet endroit où j’irai, si et seulement si Cola s’y trouvait maintenant.
Earline 2
Rapportsymbol : « Dans un monde… Boris Goerdec… où règne la génétique… Une production Abetzstein… Un roman politique… les invertistes enfin sublimés dans cet écriflux qui donne la part belle aux couleurs de l’univers. Un témoignage d’Uranus. I
like , c’est sûr. » Le bar passait cette annonce en boucle. Au bout d’un certain temps je voyais les lèvres remuer au moment du « I Like, c’est sûr », du Abetzstein / Köhler tout craché. Les download étant autorisés dès le passage de la publicité, j’étais certain que ceux qui murmuraient commençaient déjà la lecture de l’écriflux tout en conversant avec leur avatar. Après une nouvelle boisson, et alors que je vis Earline arriver, toujours aussi radieuse et belle, insouciante, les murmures se firent plus fort, j’entendais #Goerdec, #les invertistes, #Abetzstein, #témoignage d’Uranus : LOL. C’était l’existence simultanée. Dehors, la pluie tombait, la pluie de la vraie-vie. Et vraiment, des gens
dansaient ; d’autres se bagarraient, sans avatar, je voyais des Bengt Ekerot et des Max von Sydow se parler et se suivre et jouer aux échecs et danser et mourir, chacun voué à son #apocalypse intérieure.
Presser Earline de questrép n’aurait servi à rien, je voyais dans ses yeux qu’elle ne parlerait pas. Alors la conversation tourna autour de nos rêves et de nos envies. Depuis que j’avais commis Kenosha, je parlais avec vérité. Je lui avouai que je ne connaissais pas mes géniteurs, que j’avais grandi hors de la ville, que je n’avais pas de crédit, pas d’argent et que je souhaitais lui acheter des gants. Je me sentais si proche de la mortvie que tout ce que je cherchais à cacher de mon existence me paraissait superflux ; ne pas dire la vérité devenait un contre-sens, un contre-sens qui m’aurait fait perdre Earline. Ces sensations intenses que je ressentais pour Earline me rappelaient l’étrange sentiment que j’avais eu lors de Kenosha. C’est pourquoi je nommai cet ensemble de sensations également Kenosha. Mais comment lui parler de Kenosha alors qu’elle ignorait – et elle devait l’ignorer – ce qui s’était passé après ma [fureur] contre #Cola.
Ecoute-moi, je t’en prie, lui dis-je en lui prenant les mains : il s’est passé quelque chose dans la Souterraine. As-tu reçu l’injection d’Imagsymbol Osterman Week-end ?
A ces mots elle rougit et se leva pour s’enfuir, je tachai de la rattraper dehors. Quel étrange imagsymbol : deux personnes de la vraie-vie courant l’une derrière l’autre. Je réussis à l’attraper par la main, rue des Capucines. Je plongeai mon regard dans le sien et lui dis : j’irai à Kenosha pour toi, à ta place, quoique tu fasses. Fais Osterman Week End, ton Kenosha sera le mien, ce sera toujours mieux que la mortvie. J’ai toujours su que j’irais là-bas. Je m’élèverai de la Moreless.
Elle pleura soudain, à la fois sans comprendre et parce qu’elle avait compris. Elle était sauvée, je ne l’étais pas, mais rien n’était important, à part ses yeux mouillés et son sourire. Je tombai, parce que le deuxième imagsymbol que l’on m’avait injecté – la première bobine d’un imagsymbol Welles retrouvé par Vinneuil : The last days of Mister Beyle ERREUR 404 [page introuvable]